EEN JEUGDLIEFDE VAN
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et ta beauté qui enchante tous les coeurs, tous les yeux
au moins, car du coeur n’est pas le partage de tous;
et ce qui semble plus fort encore, le langage de tes
yeux t’on gagné mon amour. Tout ce que je dis la
serait-il un songe!
Ah si tu connaissais toutes tes graces! ou bien ne
les connais-tu que trop? Sont elles étudiées devant un
miroir confident de ta vanité? Mais pis que tout le
reste, quel age as tu?
Ecoutes!
Je vis une jeune fille de beaucoup de naturel, de
douceur, d’esprit. Insensiblement je ne vis qu'elle dans
les plus grandes compagnies; te le dirai-je, elle ne vit
que moi. Elle partit pour le campagne et je la suivis
aussi-töt. J’y fus un jour plus heureux que jamais. Je
pars pour ici, le coeur pénétré, J’écris souvent a l’ami
de son frère. Dans sa dernière, peu avant que je te vis,
il m’écrit, qu’elle a vingt et deux ans. Je crus tomber
a la renverse en le lisant. Je fus longtems incapable de
proférer un mot, a peine de penser. Je maudis mon
destin, je me combattis, mais enfin ma raison demeura
victorieuse, et je la bannis avec mille projets sur elle,
dirai-je, du fond de mon coeur. Car je ne puis lui refu
ser une place pour l’estimer au dessus de mille autres
de son sexe. Je te vis. Mais au commencement sans te
voir. L'après midi, t’en souviens-tu, assis sur le banc
de fenêtre causant avec ta mère, vis-a-vis de Toi,
je m’offris a une commission, tu la refusas. Et ce refus
au fond me charma. Ta retenue était ravissante et elle
semblait provenir d’une espèce de modestie, de crainte
même, qui m’enchanta.
Sais-tu bien encore que lorsque je vous quittas il
plaivait un peu? Cette pluie rendait l’air si agréable. Je
marchais par une allée sombre. Dieu quel était mon